mardi 9 juin 2009

La journée de Loulou

Loulou à l'arrivée de la Descente royale. La fierté de l'accomplissement!
(Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Quel beau dimanche se fut! Ma douce et moi, on s’est levés à 5 h 30 du matin. Faut être un peu fou vous, direz-vous, pour se lever à 5 h 30 un jour de congé. Un peu folle vous répondrai-je, car ma douce allait s’inscrire à sa première course de demi-fond, le 5 kilomètres de la Descente royale qui, comme son nom l’indique, se passe sur l’avenue Royale. Ça faisait deux mois qu’elle hésitait à y participer. Elle s’est décidée la veille, ou presque. « Si je finis la dernière, je vais être découragée, » s’inquiétait-elle. Mais non, mon amour, ces événements sont des happenings où tout le monde fraternise. On s’en fout qui finit premier ou dernier…

Celui qui l’a décidé, c’est son coach. « Louise, qu’il lui a dit, dans une course de fond, il n’y a que deux coureurs qui sont applaudis : le premier et le dernier. » Ça l’a rassurée, ma blonde, allez donc savoir pourquoi.

Ma douce s’est mise à la course à pied à l’automne dernier, voulant s’initier à une activité cardio-vasculaire qui nécessitait un minimum d’équipement et pouvait se pratiquer dans toutes les conditions. Alors, soigneusement encadrée par un club de course, dorlotée dans son développement, elle s’est mise, au fil des semaines, à renforcir tendons et muscles et à allonger ses distances. Reste que vient un moment où il faut que tu te confrontes avec toi-même et avec l’univers et ces courses constituent une merveilleuse occasion.

Dimanche, donc, on est arrivés vers les 6 h 45 à l’aréna Marcel-Bédard de Beauport, pour l’inscription. Le soleil était levé depuis longtemps et la journée s’annonçait radieuse, mais fraîche. Un temps idéal pour la course. Pour la première fois, l’événement, qui en était à sa 12e édition, accueillait plus de 1000 coureurs qui s’entassaient dans des autobus qui les amenaient à leur point de départ du 5 et du 10 kilomètres.

À 9 h, de coup de départ était donné et 30’33’’ secondes plus tard, Loulou franchissait le fil d’arrivée, radieuse. Elle avait fini 114e sur plus de 150 participants, et 6e sur 11 dans sa catégorie.

Le moins que je pouvais faire, pour souligner une telle réussite, c’était de l’inviter à déjeuner. On est donc montés au bistro Le Hobbit où on s’est offert des œufs bénédictines sur la terrasse ensoleillée.

La découverte du frère de Dieu
Euphorique, ma douce voulait poursuivre sur sa lancée. « Cet automne, je m'inscris à une course de 10 kilomètres, qu'elle me lance. En attendant, on va aller chercher les petits et aller se promener dans la vallée de la Jacques-Cartier », qu’elle me lance. Entre deux bouchées, elle téléphone à Rosemarie pour lui demander la permission d’emprunter ses enfants. C’est Dieu lui-même (Gédéon) qui répond et donne tout de suite son accord, avant même de passer l’appareil à sa mère. La nature, il ne peut y résister. Évidemment, l’accord des parents est facilement obtenu. Ce n’est pas si souvent qu’ils ont l’occasion de passer quelques heures seuls ensemble.

Après le déjeuner, on passe aux fruits et légumes pour le lunch, on ramasse Dieu et son frère Florent qui était aussi tout sourire et nous voilà partis vers la vallée et ses montagnes. On choisit L’Aperçu, un sentier de 2,7 kilomètres pour notre randonnée. Gédéon marche avec ses bâtons et accompagne Loulou, Florent est sur mon dos, dans le sac, et il rigole.

Il rigolera comme ça pendant les deux heures que durera le parcours, marquant son étonnement perpétuel d’onomatopées diverses. Quant il veut avoir ou aller voir quelque chose, il pointe du doigt que je vois apparaître à tout moment au bout de mon nez. Après tout, il a à peine plus d’un an et les mots ne font pas encore partie de son vocabulaire. C’est donc comme ça qu’on découvre fleurs, arbres, rochers qu’il tient à tout prix à toucher de ses petits doigts délicats. Et à chaque fois, il rit, il rit de son rire contagieux. Ne pouvant me retenir, les épaules se mettent bientôt à me sauter et nous rions en cœur jusqu’à ne plus savoir pourquoi on rit. Mais on rit.

Au point le plus haut, on s’arrête pour le pique-nique. Gédéon, béat et bien content de s’arrêter, sort son pot de fruits séchés et sa barre tendre. Il est visiblement heureux. Moi, je sors Florent de son sac. Derechef, il s’empare de mes bâtons de marche et part, tout croche, à l’aventure. Il tombe, se relève, retombe, rit, rigole sous le regard grand maternel de Loulou qui le soutient du mieux qu’elle peut. Finalement, voyant que Gédéon et moi mangeons, il accourt.

Loulou avec Dieu à sa droite et son frère à gauche

Florent et sa pose typique. Je veux...


La splendeur de Dieu...

Qu’est-ce qu’il est goinfre ce petit Florent! Une barre tendre n’attend pas l’autre et s’il n’a pas les deux mains et la bouche pleine, il hurle. Louise, Dieu et moi le regardons les yeux ronds et nous rions.

Enfin, on reprend le sentier que Gédéon marchera tout du long, comme le grand randonneur qu’il deviendra. Un dernier arrêt sur le bord de la Jacques-Cartier pour voir arriver les canoteurs et jouer un peu au soccer. Les bébés s’en donnent à cœur joie encore, mais la fatigue se fait sentir et ils tombent de plus en plus souvent…

On n’a pas fait cent mètres en auto sur le chemin du retour qu’ils dorment tous deux à points fermés. Ma blonde est rayonnante. Sa journée se déroule au-delà de ses espérances et elle n’est pas finie.

L'amitié en culottes de velours
En effet, nous allons prendre l’apéro chez nos amis Janine et Bertrand que nous n’avons pas vus depuis trop longtemps, tout de suite après avoir déposé les enfants chez leurs parents. Ils sont en pleine forme nos amis, tant et si bien qu’après l’apéro, nous sommes invités à déguster la bouillabaisse de Bertrand faite à partir d’un fumet de homard auquel il a ajouté du saumon, de la lotte, de la morue. Comme accompagnement, des croutons de pain à l’ail arrosés… d’ailloli! Le tout accompagné d’un petit rosé qu’on dirait « le p’tit Jésus en culotte de velours », comme disait si bien le Marius de Marcel Pagnol.

Et nous avons parlé, parlé de nos enfants, de nos petits-enfants et, avec beaucoup d’émotion, de la mort injuste de notre amie Marguerite. Une fois le soleil couché, nous sommes revenus à la maison.

« Quelle journée quand même. Ce matin, c’était le plaisir et cet après-midi, j’ai eu droit au bonheur. C’est vraiment une des plus belles journées de ma vie, » conclut-elle en regardant béatement la route tout en conduisant. J’étais tellement d’accord, moi qui, en cet après-midi, avait vraiment découvert cette petite merveille de Florent dont je suis tombé littéralement amoureux. Rien qu’à y penser, j’en ris encore. Dieu et son frère, quel duo quand même!

Gilles Chaumel

Le lundi 8 juin 2009

mardi 2 juin 2009

Marguerite Laramée (1976?-2009)

En arrivant à la maison en fin de journée, il y a quelques semaines, le 9 mai 2009 plus précisément, j’ai ouvert mon ordinateur comme à l’habitude. De ma belle amie Peggie, il y avait ce message inquiétant : 

« Je vous écris pour vous dire qu'aujourd'hui Marguerite a été hospitalisée. On a découvert samedi que de nouvelles métastases sont apparues. Vous connaissez tous Marguerite, elle est positive (malgré les circonstances!) et sourit. C'est une battante... une gagnante!!! Mon message est court, je ne veux pas entrer dans les détails, on n'a pas encore rencontré le médecin et ne connaissons pas encore le plan de match. Chose certaine, c'est un autre dur combat qui s'annonce! Je voulais vous aviser et vous demander de lui envoyer des tonnes d'énergies positives. Merci... et désolée à quelques personnes du silence des derniers temps!!! » 

C’était il y a trois semaines. Vendredi midi dernier, le 29 mai, Marguerite est décédée, laissant dans le deuil son inconsolable Peggie, sa famille et des dizaines et des dizaines d’amis. Elle est morte, comme elle a toujours vécu, en souriant, par amour de la vie et de tous ceux et celles, tellement nombreux, dont elle avait fait son monde. 

Ainsi donc, le putain de cancer qui avait attaqué la douce Marguerite à la même date il y a deux ans, ce putain de cancer a refait surface, plus virulent que jamais, répandant ses métastases dans les parties les plus vitales de son corps. Et on se demande pourquoi c’est la personne la plus lumineuse de la Terre qui est victime de cette saloperie? Pourquoi Marguerite, cette beauté d’à peine plus de 30 ans au regard plus bleu et plus clair qu’un ciel sans nuages de juillet?  Pourquoi une fille si pure dont la seule présence perpétuellement souriante donne à chacun l’impression d’être une meilleure personne, pourquoi  doit-elle lutter contre la virulence sournoise d’une maladie mortelle? Pourquoi elle qui savait comme personne rendre tout le monde meilleur? C’est tellement, tellement injuste. 

Orthopédagogue, aménagiste paysager, mécanicienne (elle a déjà démonté et remonté une jeep, pour le plaisir de la remettre en ordre), ébéniste, Marguerite a pratiqué tous les métiers dignes de ce monde dans une bonne humeur perpétuelle. Mais celui où elle réussissait le mieux, c’était celui d’humaine au cœur d’or qui attirait l’amitié comme un aimant géant et la rendait au centuple. Pour Marguerite, il n’existait pas de problème dans la vie, juste des solutions. Maintenant qu’elle est disparue, le monde sera forcément moins bon… à moins que nous tous et toutes qui la connaissions en fassions un peu plus pour l’améliorer, en donnant un peu plus d’amour autour de nous. En faisant en sorte de sourire à tout venant comme Marguerite savait si bien le faire. 

Ma Loulou est allée la voir à l’hôpital, deux fois. Moi je lui ai écrit, trop bouleversé sans doute pour me présenter. Marguerite, vous la connaissiez si vous êtes lecteur assidu de cette chronique. C’est cette fille qui a traversé, deux fois plutôt qu’une, la chaîne des Andes entre l’Argentine et le Chili, en compagnie de son inséparable et aventureuse Peggie. C’est avec elles, qu’à l’instigation de Loulou, nous nous sommes réunis autour de quelques repas gastronomiques mémorables où il a été, entre autres, questions de leur périple sud-américain. Le dernier a eu lieu il y à peine plus d’un mois. Le dernier repas… 

Bref, c’est une amitié forte que nous entretenions depuis plusieurs années et qui, je l’espère, ne se tarira jamais. C’est Peggie, maintenant, qu’il faut dorloter et aimer… pour deux!

Marguerite et Peggie